Éditorial Dialangues n°1


Joëlle Picard (Cordesse)

Les stagiaires de Bordeaux redécouvrent leurs pouvoirs de création ; des enfants parlent l’anglais sans l’avoir appris, ou font innocemment de la grammaire ; des adultes retrouvent le goût des langues étrangères ; des élèves se font traducteurs.

Qui va corriger les fautes ?

Grève ce matin en 1°S. Écrire est insupportable. Un mois de travail et on n’a rien appris ! On ne peut pas avoir appris quoi que ce soit avec un prof qui nous fait parler, écrire, au lieu de nous donner des mots, et ne corrige pas les fautes. Un prof qui a la superbe prétention de faire écrire des histoires à la Hitchcock ! Comme si c’était possible ! Et d’ailleurs, à quoi ça sert d’écrire en anglais ?

À quoi ça sert d’écrire tout court ? Et de parler ?

À quoi ça sert de remuer les choses anciennes bien rangées dans un coin de la mémoire, un peu empoussiérées souvent, puisqu’on avait même oublié qu’elles y étaient, mais si douillettes, confortables, riches de mille plaisirs incongrus ?

C’est bien de remuer qu’il est question. Bouleverser, changer, bouger, mettre en mouvement(s). Dans les murs de la classe. Prendre de front les interdits de séjour : moi et mes peurs, et mes fantasmes, moi et mes savoirs enfouis, moi et mes représentations si personnelles, si peu objectives, si peu adaptées, c’est sûr, à la situation scolaire. Moi, mes désirs, mes préjugés, mes folies, mes rages et mes secrètes forces.

Moi et mes mots.

Grève de la production.

A quoi ça sert de produire ?