I have goûted with my cousin


Partiellement déçu par les difficultés de la correspondance classique de Langue Vivante avec des classes étrangères, difficultés dues tantôt aux lenteurs des services postaux, tantôt aux différences de motivation des élèves anglo-saxons face à l’étude des langues, j’ai choisi, suite à une conversation avec une collègue du collège voisin, de lancer cette année ma classe de 6ème dans un échange inspiré des pratiques de collègues au sein de leur école primaire.

Cette expérience, nouvelle pour moi mais pratiquée au même niveau par d’autres, avec quel succès (?), présentait à nos yeux l’avantage d’une implication plus immédiate, d’un retour plus rapide pour des élèves très sensibles au ‘rendement’ instantané de leurs efforts ; la correspondance (quasi) désincarné exigeant un désintéressement modérément répandu.

“M’sieur, les Anglais, on ira les voir ?”

Les obstacles administratifs, les difficultés du financement pour beaucoup, surgissaient au premier plan, et leur faire construire en une année leur voyage en Grande-Bretagne, avec des sixièmes inconnus, ne me semblait pas réalisable, ne serait-ce que pour des raisons personnelles d’ailleurs.

À mi-parcours, et malgré des difficultés de gestion de ma classe, qui me permettent d’ailleurs de bien mesurer combien la réussite n’est jamais acquise d’entrée même avec les meilleures résolutions et les meilleurs projets, un premier point peut être fait pour évaluer ce que nous a apporté ce travail, et, pourquoi, pas, inciter d’autres expérimentateurs à nous faire partager leurs réussites et leurs difficultés.

Peu de réticences initiales à se lancer dans une correspondance aussi paradoxale, pas de “Pourquoi est-ce-que J’écrirais en anglais à mon cousin ?”, pas plus en tous cas que pour la correspondance avec des Anglais.

Passé ce premier écueil les côtés positifs apparaissent rapidement.

– pas de décalage de compétences dans la création. Ils débutent, et nous aussi. L’échange des productions se fera sur un pied d’égalité avec, en corollaire, la découverte, non approfondie bien sûr mais “sans douleur”, de structures, de vocabulaire différents, fonction d’une progression pas nécessairement harmonisée entre les classes, voire aussi le choc, généralement salutaire, à la découverte d’une plus grande habileté chez nos correspondants, choc effectivement vécu par nombre de mes élèves après un trimestre au rendement catastrophique hors de la correspondance.

– le plaisir consistant à rencontrer nos homologues a pu être éprouvé dès la fin du premier trimestre à l’occasion d’une invitation à un après-midi à l’anglaise : échange de vœux, bingo, sketches, thé (pas encore dansant, mais ça viendra) et spécialités culinaires, en association avec la prise de conscience de ce qu’on pouvait faire avec ce nouvel outil qu’est une langue vivante, la découverte de nouvelles idées de création, de production. “Capables ? Pas capables ?” la question ne s’est même pas posée au retour.

– bien évidemment le projet d’une invitation en réponse s’est aussitôt mis sur pied, alors que nombre d’entre mes élèves étaient encore sur la réserve sur ce point 48 heures auparavant, avec bien entendu une exigence de qualité dans la réalisation comme préalable (du professeur !). Les idées ne manquent pas et des réalisations spontanées ont été avancées, sketches écrits dans la semaine suivante par certains, sketches non figés dans leur forme puisque, les connaissances s’enrichissant assez rapidement en 6ème, ils seront désireux de les réinvestir dans leur mise en scène, d’enjoliver leur production.

Bien sûr, ce faisant, nous passons à côté de toute la richesse d’un contact direct avec une culture différente, de toute la dynamique suscitée par la confrontation à un Autre inconnu et étonnant, mais nos correspondants, lors de notre visite, n’avaient-ils pas en partie revêtu la défroque de cet Autre ? L’attitude de mes élèves, à l’heure du gouter, du thé et des petits gâteaux ‘à l’anglaise”, répond en partie à cette interrogation et le désir de jouer eux aussi ce rôle “pour de vrai” était présent chez plus d’un, plus qu’il n’avait jamais pu l’être dans le contexte de la classe.

Enfin, telle correspondance est-elle nécessairement contradictoire avec une autre correspondance avec des Anglais ? Non, dans la mesure où elle permet de commencer à se poser sur ce pays des questions auxquelles on n’avait jamais pensé, où elle permet de commencer à se sentir à l’aise face à l’écriture et où elle permet d’avoir quelque chose en commun de quoi parler, dans le milieu de l’école, ce qui n’est pas si fréquent.