“Le petit garçon” : rompre avec les logiques de l’impuissance pédagogique


Joëlle Cordesse

Cet article a été écrit en 2010 pour les Actes d’un colloque du département de Sciences de l’Éducation de l’Université Paul Valéry, Montpellier III, consacré à l’évaluation. Il avait précédemment donné lieu à une Conférence-atelier dans le cadre de ce colloque.

Le petit garçon et les logiques scolaires

Imaginez le dernier vers de ce poème.

Le petit garçon

Helen E. Buckley (traduit de l’anglais).

Un jour un petit garçon alla à l’école.

C’était vraiment un tout petit garçon

Et l’école était vraiment très grande.

Mais quand le petit garçon
Découvrit qu’il pouvait arriver à sa classe
En entrant directement par la porte de la cour
Il se sentit content.
Et l’école n’avait déjà plus l’air
Tout à fait aussi grande.

Un matin
Alors que le petit garçon était à l’école depuis un certain temps
La maîtresse dit :
“ Aujourd’hui nous allons faire un dessin ”.
“Chouette” pensa le petit garçon.

Il aimait faire des dessins
Des lions et des tigres,
Des poules et des vaches,
Des trains et des bateaux.

Et il prit sa boite de crayons
Et commença à dessiner.
Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
Ce n’est pas le moment de commencer ! ”
Et elle attendit jusqu’à ce que tout le monde ait l’air prêt.

“ Bon, dit la maîtresse.
Nous allons faire des fleurs ”.
“ Chouette ” pensa le petit garçon
Il aimait en faire de magnifiques
Avec ses crayons rose et orange et bleu.
Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
Je vais vous montrer comment faire ”.
Et elle était rouge, avec une tige verte

“ Voilà ” dit la maîtresse,
“ Maintenant vous pouvez commencer ”.
Le petit garçon regarda la fleur dessinée par la maîtresse
Puis il regarda ses fleurs à lui.
Il aimait mieux ses fleurs que celles de la maîtresse
Mais il n’en dit rien.
Il retourna simplement sa feuille
Et fit une fleur comme celle de la maîtresse.
Elle était rouge, avec une tige verte.

Un autre jour,
Alors que le petit garçon avait réussi à ouvrir
Tout seul la porte de la classe,
La maîtresse dit : “Aujourd’hui nous allons faire de l’argile”
“ Chouette ” pensa le petit garçon,
Il aimait bien l’argile.
Il savait faire toutes sortes de choses avec l’argile :
Des serpents et des bonshommes de neige,
Des éléphants et des souris,
Des autos et des camions
Et il commença à pincer et à tirer sur
Sa boule d’argile.

Mais la maîtresse dit :
“ Attendez, ce n’est pas moment de commencer ! ”
Et elle attendit jusqu’à ce que tout le monde ait l’air prêt.
“ Bon, ” dit la maîtresse.
“ Nous allons faire un plat ”
“ Chouette” pensa le petit garçon
Il aimait faire des plats
Et il commença à en faire
De toutes les formes et de toutes les tailles.
Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
Je vais vous montrer comment faire ”.
Et elle montra à tout le monde comment faire
Un même plat creux.

“ Voilà ” dit la maîtresse
“ Maintenant vous pouvez commencer ”
Le petit garçon regarda le plat de la maîtresse,
Puis il regarda les siens.
Il aimait mieux les siens que ceux de la maîtresse,
Mais il n’en dit rien.

Il se contenta de refaire une grosse boule de son argile
Et fit un plat comme celui de la maîtresse.
C’était un plat creux.

Et bien vite

Le petit garçon apprit à attendre,

Et à regarder

Et à faire les choses juste comme la maîtresse.

Et bien vite
Il ne fit plus de choses de lui-même du tout.
Alors il arriva
Que le petit garçon et sa famille
Déménagèrent dans une autre maison,
Dans une autre ville,
Et le petit garçon
Dut aller dans une autre école.

Cette école était encore plus grande
Que l’autre
Et il n’y avait pas de porte
Pour aller directement de la cour à sa classe.
Il devait monter plusieurs grandes marches
Et suivre un grand couloir
Pour arriver à sa classe.

Et le premier jour
Qu’il était là,
La maîtresse dit :
“ Aujourd’hui, nous allons faire un dessin ”.
“ Chouette ” pensa le petit garçon
Et il attendit que la maîtresse

Dise quoi faire.
Mais la maîtresse ne dit rien.
Elle ne fit que se promener dans la classe.
Quand elle arriva près du petit garçon
Elle demanda : “ Tu n’as pas envie de faire un dessin ? ”
“ Oh, si ,” dit le petit garçon.

“ Qu’allons nous dessiner ? ”
“ Je ne sais pas tant que tu ne dessines pas,” dit la maîtresse
“ Comment vais-je le faire ? ” demanda le petit garçon ?
“ Oh, mais comme tu veux ! ” dit la maîtresse.
“ Et de n’importe quelle couleur ? ” demanda le petit garçon.

“Mais oui”, dit la maîtresse.

“ Si tout le monde faisait le même dessin,

Et avec les mêmes couleurs,
Comment saurais-je qui a fait quoi,
Et comment les distinguer les uns des autres  ? ”
“ Je ne sais pas ” dit le petit garçon.

Helen Buckley, “The little boy”, traduction Joëlle Cordesse

Ce poème a eu deux fins différentes. Voici d’abord la plus récente. C’est aussi la plus connue, celle qui circule dans divers pays et différentes langues, sur divers sites, et celle que nous avons trouvée à l’origine dans une publication de la Confédération Générale des Enseignants belges “Échec à l’échec”, dans les années 80. 1

And he started to make a red flower with a green stem.2

Voici la version originale, publiée en 1961, trouvée sur le site d’une association de parents américaine, qui donne les deux avec l’autorisation de l’auteur.i

And he began to make pink and orange and blue flowers.
He liked his new school,
Even if it didn’t have a door
Right in from the outside! 3

Quelle est la meilleure fin ?

Dans la version originale, l’enfant, lorsqu’il sort de la première école, n’a, pourrait-on dire, rien appris. Il est le même à son arrivée dans la seconde. Il a certes appris à attendre, à regarder, à se conformer, c’est-à-dire qu’il s’est adapté aux conditions qui lui étaient faites dans cette école, mais sa réaction, à partir du moment où il a compris qu’il était libre d’agir à sa guise, est exactement la même qu’au premier jour. L’enfant s’adapte mais reste lui-même.

Dans la deuxième version, l’enfant a été abîmé par la première école. Il ne sait vraiment, et peut-être définitivement, plus rien faire de lui-même du tout. Pire, dans une situation qui lui rend sa liberté, il ne sait plus que montrer ce qu’il a appris à faire, en bon élève. Il a repris à son compte un modèle stéréotypé qui n’a pas de sens pour lui mais qui représente, pour lui, la demande de l’école. Il ne sait plus dessiner mais il connaît une représentation conventionnelle de la fleur.

Que préférons-nous ? Quelle est la fin la plus vraisemblable ? Quel est l’effet des contraintes pédagogiques vécues par les enfants sur leur développement et sur leurs acquisitions ? Quelle est la relation entre les effets à court terme, ici représentés par la capacité à attendre et à écouter et à se conformer à des modèles, et le long terme, ici représenté par le comportement de l’enfant lorsqu’il est rendu à sa liberté ? La hiérarchie réelle des causes et des effets est l’objet de la logique du pragmatisme.

La première école et les malentendus de la violence symbolique

1) On ne dit jamais ce que l’on fait : la fin n’est pas dans les moyens.

La maîtresse annonce une activité qui éveille un désir de mise en œuvre de ses compétences et de ses projets artistiques ou pratiques, mais la finalité n’est pas celle-là, elle est intellectuelle. Il s’agit de représenter le monde pour savoir le penser. Faire un dessin ou de la poterie, c’est ce que l’enfant croit savoir faire puisqu’il en a l’habitude. On lui annonce donc immédiatement que l’école n’admet pas ses habitudes. L’école fournit les modèles du dessin et du comportement.

Le modèle est stylisé parce que le but de la leçon n’est pas le dessin, mais le concept. C’est la connaissance du monde qui est visée, le dessin, la poterie en représentant le moyen. L’enfant, cependant, croira avoir appris à dessiner, ce qui va le conduire progressivement à invalider son propre savoir du dessin. La maîtresse, elle, ne fait pas le lien entre dessiner et apprendre à dessiner. Le dessin est un outil au service d’une compétence plus haute.

2) On s’adresse à l’intelligence de l’enfant mais on fait table rase de ses idées

La compétence scolaire se présente comme distincte et séparée de tous les savoirs de l’enfant, autonome, et surtout première au sens où elle va refonder la connaissance de la personne à partir des catégories enseignées. Á l’école, on est quelqu’un d’autre, on repart sur de nouvelles bases.

Nous allons faire une fleur, dit la maîtresse. L’enfant commence à chercher dans son imaginaire à quoi peut ressembler la plus belle fleur possible, et en imagine les variations. La maîtresse, elle, sait a priori à quoi doit ressembler une fleur et elle substitue son modèle aux fleurs que le petit garçon aurait voulu faire. “Une fleur”, ça doit ressembler à ça. Toutes les images que l’enfant pouvait associer à l’idée de fleur et parmi lesquelles il pouvait se préparer à choisir sont par là disqualifiées, illégitimes. Les fleurs de l’enfant ne font pas partie de l’idée de fleur qui peut être reçue à l’école. Les idées de l’enfant ne sont pas reçues à l’école.

3) On se réfère à des besoins d’action mais c’est une action irréelle

Nous allons faire un plat, dit la maîtresse. Cette fois, il ne s’agit pas seulement de représenter mais d’agir. Faire quelque chose avec de l’argile engage non seulement le sens esthétique du petit garçon mais ses habitudes d’action, et ses habitudes culturelles. Un plat est un ustensile de cuisine, pas un dessin, ni un jouet. Un plat creux est une sous-catégorie de la catégorie des plats. Avec cette deuxième étape, la maîtresse ne fait pas que répéter la première situation, elle introduit une deuxième contrainte qui est celle de la déduction. Ce qui se répète est le souci de transmettre un modèle clair et valable pour tous. L’idée de la variation elle-même reste soumise à ce modèle de définition du savoir. On ne recherche pas les invariants dans l’ensemble des variations possibles, on définit le concept a priori, et on catégorise pour lui, à l’intérieur du concept, une de ses applications.

Cette deuxième situation comporte une part de violence supplémentaire par rapport à la première. C’est là, peut-être, que commence la véritable violence faite à l’imaginaire et au savoir de l’enfant. Ce n’est peut-être pas la confrontation au modèle théorique tout fait qui est violente en soi, mais la réduction de la réalité de la connaissance à ce modèle théorique.

L’acquisition du modèle de la fleur pourrait en effet apparaître comme utile et non nécessairement meurtrière, puisqu’il s’agit de mettre l’enfant en contact avec une autre forme de pensée, complémentaire de la sienne, qui est la pensée adulte, abstraite, grâce à laquelle il disposerait d’un guide pour organiser et structurer son propre système de représentations. Connaître les règles de grammaire ne peut pas être en soi meurtrier pour l’imaginaire. On peut imaginer que l’enfant confronte le modèle de la fleur avec son propre réservoir de fleurs possibles et en dégage les invariants de la tige et de la corolle, grâce auxquels il percevra avec plus de finesse et de pertinence les variations de couleur, de forme, les pétales, et tous les détails qui lui permettront de se poser de nouvelles questions. Le refoulement de ses propres compétences ne serait alors que provisoire, rendu nécessaire par la situation de transmission frontale qui est établie par cette école, et qui règle le problème de la diversité des cultures en focalisant l’attention de tous sur le modèle unique, fédérateur, symbolique au sens où il représente l’idée de fleur, c’est-à-dire toutes les expériences de fleurs de tous les adultes d’une même culture, et peut servir de repère pour dessiner toutes sortes de fleurs qui aient l’air de fleurs.

Mais l’application de cette démarche transmissive à un sous-ensemble de la catégorie des plats apporte la confirmation qu’il ne s’agit pas, pour cette  maîtresse, d’apporter un outil de pensée. Elle inscrit la démarche d’apprentissage dans une perspective obligatoirement iconique et déductive. La notion de plat étant réputée acquise, on ne laissera pas les enfants la réinvestir dans l’exploration de ses variations possibles dans la réalité, la conception des  variations elles-mêmes est soumise à autorisation.

Si la première étape représentait le refoulement de l’imaginaire, la deuxième représente celui de la pensée conceptuelle.

4) contraindre l’imaginaire pour gagner du temps

La fonction générale de l’école est représentée par le bâtiment. L’enfant est tout petit, l’école est immense et ne peut pas être appréhendée globalement. Elle se présente comme une addition de classes, qu’il faudra passer les unes après les autres, et l’accès en est représenté par le passage du dehors au dedans de la classe. On sent bien que l’escalier et le long couloir de la deuxième école représentent une difficulté et une émotion un peu initiatiques, et que l’entrée dans la classe représente dans tous les cas une émotion, en même temps qu’un objet d’apprentissage en soi. Dans la première école, l’enfant apprend assez vite à ouvrir la porte lui-même et c’est assez important pour être dit. Or, en manifestant sa fierté de savoir ouvrir la porte lui-même, l’enfant montre qu’il a fait sienne la représentation scolaire de la coupure entre le monde confus du dehors et le monde clair et lumineux du dedans. C’est l’accès aux symboles qui lui est donné. En entrant dans la classe, il entre dans le monde du Savoir. L’école propose un accès direct au savoir. On sait tout de suite où on doit aller, on n’a pas besoin de se poser de questions, pas le temps de s’égarer ou d’avoir des inquiétudes. Penser s’apprend à l’école, par reproduction des catégories abstraites transmises de génération en génération.

La deuxième école : peut-on libérer sans contraindre ?

5) enfermer l’enfant dans son imaginaire pour le libérer

Et la deuxième école ? Est-il si évident que nous devions souhaiter une telle école pour nos enfants ? Faut-il supprimer toute contrainte ? Faut-il supprimer tout modèle ? Comment cette maîtresse envisage-t-elle le développement des savoirs et des savoir-faire des enfants ? L’expression libre est-elle une situation d’apprentissage ? Et quelle est sa responsabilité dans la perte de créativité en apparence définitive que signale la version II du poème ?

La finalité de l’école n’est plus, ici, le savoir. Elle n’est pas davantage le développement des enfants. La maîtresse veut comparer des talents, des goûts, des personnes. Elle s’intéresse à la diversité des enfants qui lui sont confiés. La sympathie que l’on peut avoir à son endroit après la succession de meurtres que nous présente la première partie de l’histoire laisse place à la perplexité. Où est la socialisation ? Rien, dans la situation qui lui est proposée, ne représente la loi symbolique que le monde des adultes, par l’intermédiaire de l’Institution scolaire, exige qu’il fasse sienne. Comment va-t-il pouvoir réinventer le monde à partir de ce qu’il sait ? Aucun repère ne lui est donné, autre que les siens propres. Le seul recours est alors de réinvestir ce qu’il a appris ailleurs, et de montrer le meilleur visage possible à une institution faite sans doute, à défaut d’enseigner, pour orienter et trier les élèves sur leurs compétences acquises ailleurs.

C’est sur de tels concepts que se fait le partage entre l’immersion simple que décrit Jean Petit4, pour qui l’important est de mettre en place les conditions d’une expérience ordinaire riche mais spontanée de la langue par les enfants, et une logique d’éducation nouvelle qui organise une intervention enseignante de manière à provoquer et organiser des processus extraordinaires d’apprentissage5 et ne se limite pas à les attendre en organisant leur environnement. Nous avons montré que notre parti pris d’enseignant était celui de l’expérience. L’expérience qui dynamise les apprentissages doit se penser, contre la soumission au modèle mais avec la visée de modèles, sur la base d’une effraction.

L’impasse dualiste et la logique des relations

Analyse sémiotique des mécanismes de la confiscation du sens

1) Icône, indice, symbole, et dégénérescence du symbole

Qu’est-ce que la violence symbolique ? un accès barré ; une icône qui se prend pour un symbole. Cette image de la fleur est la métaphore de nos conceptions conflictuelles de ce que Peirce appelle une tiercéité. Une tiercéité authentique est un signe de loi : un modèle général, arbitraire, valable pour toutes les occurrences d’une idée (ici de l’idée de fleur) et faisant volontairement abstraction des différences entre les individus concrets qu’il représente. C’est un signe de loi, qui représente à la fois, par induction, l’ensemble des expériences connues des fleurs et, par déduction, l’ensemble des fleurs possibles, même non rencontrées dans l’expérience, même inexistantes dans la nature. La signification, la fonction, et la puissance d’une loi est sa capacité à générer des répliques dans les esprits. C’est ce qui est recherché dans cet enseignement comme dans tout autre, l’accès à des vérités générales valables dans tous les contextes et toutes les situations, et pour tous les sujets. La tiercéité est la catégorie de la médiation. Mes images d’une fleur ne ressemblent pas aux tiennes mais les miennes et les tiennes ressemblent à ce modèle qui est suffisamment simplifié, débarrassé des traits trop personnels, pour que la ressemblance soit possible. C’est la ressemblance perçue des répliques avec la loi générale qui fonde les possibilités d’intercompréhension, et les possibilités d’actions individuelles adaptées à des prescriptions d’ordre général. Dans un abécédaire, une fleur comme celle de la maîtresse pourrait jouer ce rôle.

Encore faut-il que la fleur proposée comme symbole commun puisse apparaître comme une médiation. Ce n’est pas le cas ici. Ce n’est pas la fleur qui est donnée en modèle, mais une fleur, “celle de la maîtresse”.

L’image de la fleur, contrairement à ce qu’en pense la maîtresse, n’est pas un symbole.

Elle en est la représentation dégénérée. Elle est une icône, une représentation reliée à un imaginaire particulier, qui se prend pour un symbole. Le modèle a perdu son caractère général et partageable. Il est inscrit dans une relation duelle et dans un rapport de forces et de pouvoirs. Le pouvoir de symbolisation de la maîtresse se pose en conflit avec celui de chacun des enfants. Les symboles ne fonctionnent comme des symboles que s’ils se relient aux connaissances réelles et possibles des gens qui les utilisent, et peuvent apparaître à leurs yeux comme une convention à laquelle ils adhèrent ou participent. Le mot “liberté” est un symbole si les gens peuvent penser librement la liberté. Il n’est plus qu’une icône s’il est brandi comme un étendard devant des foules réduites en esclavage. Il peut aussi être l’indice d’un pouvoir despotique, et se vider de tout autre sens, si ce pouvoir en a fait son slogan.

C’est dire que les signes fonctionnent dans la réalité d’une manière qui ne dépend pas seulement de l’autorité qui les met en circulation ou les interdit. La trichotomie icône, indice, symbole, la plus connue de la sémiotique Peircienne, nous aide ici à penser comment la relation du signe représentant à l’idée qu’il représente échappe à celui qui l’inscrit. Comment il produit son effet indépendamment de la volonté consciente de celui qui le reçoit, puisqu’il s’adresse à ses perceptions immédiates, et non d’emblée à sa raison.6

“Nous admettons tous que l’expérience est notre seul Professeur ; et Dame Expérience pratique une méthode pédagogique bien en accord avec la nature affable et complaisante qui est la sienne. Le moyen qu’elle préfère est l’instruction par la farce,- et plus la farce est cruelle mieux c’est. Pour une description plus exacte, l’Expérience instruit invariablement par la surprise. On pourrait défendre cette affirmation en long et en large; mais les besoins de notre argumentation demandent seulement que vous admettiez que c’est en grande partie vrai. Or quand un homme est surpris il sait qu’il est surpris.”

Quand Peirce dit que l’expérience est notre seul professeur, ce n’est pas pour exprimer un parti pris philosophique ou pédagogique, c’est pour établir un fait de réalité.

Le savoir naît d’une surprise qui requiert une interprétation ; de la surprise de s’apercevoir que le monde est différent de ce que nous croyons de lui, qu’il résiste. Les déceptions sont des surprises. L’enfant est effectivement soumis à la cruauté de dame Expérience et il apprend, cruellement. Mais il apprend dans une version dégénérée de la secondéité, qui est la réaction d’inhibition.

L’expérience d’un enseignement frontal et direct, qui conçoit l’intervention pédagogique comme apport d’idées claires et de modèles généraux, de celui qui sait à celui qui ne sait pas, la relation duelle entre deux statuts, l’un de savant l’autre d’ignorant, construit l’habitude collective de transformer des symboles (dynamiques, relationnels, conceptuels) en icônes (statiques et objets de contemplation esthétique), en les privant d’une part de leur actualité (leur indiciarité), d’autre part de leur caractère collectif. L’histoire du petit garçon nous alerte sur cette confusion instituée, qui fait violence aux valeurs des personnes et conçoit la culture commune sur le mode de la connivence culturelle. À défaut de pouvoir jouer la pluralité de ses interprétants personnels, l’enfant qui reconnaît dans la fleur de la maîtresse celle de son abécédaire préféré aura plaisir à s’y conformer, et à s’y reconnaître.

La classe est un lieu d’expérience et d’expérimentation sémiotique. La relation des élèves et des enseignants au savoir n’est pas une abstraction à livrer au discours idéologique, elle se joue dans des sémioses7 très concrètes et agissantes, qui forment les habitudes intellectuelles des sujets, leurs perceptions, leurs conceptions du monde et de leur place, sinon dans le monde, du moins dans la société organisée et hiérarchisée qui se représente dans les structures et les fonctionnements de l’école.

Penser que l’action de l’école n’est que superficielle, et ne concerne que la partie consciente et émergée de la personnalité des élèves, c’est faire le pari métaphysique dualiste d’une coupure logique réelle entre les apprentissages intellectuels et les apprentissages culturels et affectifs. L’analyse sémiotique nous montre que l’acquisition d’habitudes de soumission résulte d’une modification adaptative réelle qui engage des conséquences importantes. Ce que l’enfant a appris a pris la place de ce qu’il savait faire antérieurement. L’élève a disqualifié en lui le sujet, à long terme, pour toutes les situations où il pourra reconnaître une relation du type de la relation pédagogique qu’il a connue, relation de soumission de celui qui ne sait pas à celui qui sait.

L’intervention pédagogique : causes, effets, stratégies

Sortir de l’impuissance devient possible à partir du moment où l’on cesse de redouter les différences et les malentendus culturels, les paroles erratiques, les divergences, pour y voir le matériau même du travail de la classe. Tous les enfants qui arrivent à l’école y arrivent porteurs d’un immense désir de grandir, porteurs des attentes de leur famille et de la fierté qu’ils ont de représenter leur famille dans un lieu qui n’est pas elle. Chacun d’eux est le symbole d’une humanité en devenir, même si leur famille est en crise, même si eux-mêmes sont en difficulté provisoire dans leur croissance. Faire le pari de leurs capacités n’est pas une simple croyance métaphysique, c’est inscrire dans le fonctionnement de l’institution de la classe le caractère sacré de l’intelligence collective des humains, et la nécessité d’un traitement rationnel de notre rapport collectif à la planète, au quartier, aux relations sociales et humaines en général. Le statut d’élève est aussi un symbole. C’est la dualité des deux statuts symboliques de l’enfant scolarisé qui régit son existence et qu’ainsi l’on actualise.

Le travail de la logique est de remettre les lois du langage sur leurs pieds. Les lois générales du langage fondent la possibilité de la vie collective, de la pensée dynamique, du développement des savoirs et des personnes, mais les lois n’en sont pas, par elles-mêmes, le fondement ou la base. Elles-mêmes sont fondées par les catégories de l’action, elles-mêmes secondes par rapport à des catégories qui sont ignorées voire rejetées par la pensée rationnelle : le pluriel, le vague, le brouillon, l’indéfini, le corps, les sentiments, les habitudes. Une action n’est pas réelle si elle n’est pas une réaction. Une loi n’est pas réelle si elle n’est pas une relation. L’action pédagogique n’a pas à se centrer sur l’enfant ni sur un savoir réifié mais sur la dynamique mutuelle des relations entre le collectif des enfants et le symbolique, et celle-ci se joue en secondéité, dans la complexité (au sens où la définissent les sciences du complexe) de systèmes d’interactions. Elle ne joue son rôle dans une dynamique de construction de la rationalité que si elle est authentique, c’est-à-dire fonde la conscience de sa réalité sur une dimension de lutte qui amène à l’existence la priméité des phénomènes, leurs fondements ignorés.

La critique a été faite d’une éducation par la seule liberté. Plus que toute autre, elle favorise les enfants des classes supérieures et défavorise les enfants d’ouvriers.8 Mais tous les enfants ont besoin de liberté pour apprendre. Mais pour que cette liberté s’exerce, il faut paradoxalement des contraintes. L’expérience ordinaire ne suffit pas, il faut une expérience “au carré”, une expérience de l’expérience qui non seulement crée des habitudes et provoque des sémioses mais crée des stratégies de création d’habitudes et de provocation de sémioses. On y verra également la ligne de partage entre une pédagogie de la découverte (Piaget) et une pédagogie de la médiation (Vygotski). Cette expérience “au carré”, qui hypostasie dans des formes d’intervention pédagogique les modes de créativité du langage, le GFEN la calcule en s’inspirant des pratiques artistiques et de celles de la recherche.

Pour dissocier la notion de loi de celle de convention, Peirce a recours au concept de légisigne. Il y a de la loi dans la secondéité de l’action, un principe de recherche de loi qu’il faut situer en-deçà de la convention. La loi qui s’expérimente derrière les dessins de fleurs est un légisigne. Le légisigne est une loi fictive, entrevue et visée par l’enfant qui produit, en réponse à la consigne de dessiner une fleur, de grandes quantités de fleurs. La réalité du légisigne est celle de la véritable induction, c’est-à-dire du vague en recherche de définition. Une fleur-type est, quant à elle, un légisigne symbolique, qui a accédé à un statut de convention. Les représentations du type que l’enfant produit dans sa recherche produisent de la vérité, et de la connaissance, comme le font les œuvres des artistes, dans une dynamique de recherche du sens du symbole attesté, si celui-ci est donné pour ce qu’il est devenu en se réifiant, une icône. Le passage au légisigne symbolique nécessite des opérations de tri, et une décision de formulation qui soit entendable par les autres. Le légisigne est la loi d’une praxis. Il se forge dans un projet de normalisation du discours, dans une recherche à la fois esthétique et pratique, et doit être conscientisé, formulé, pour devenir un concept.

“Far be it from me to enunciate any doctrine of a tabula rasa. For as I said a few minutes ago, there manifestly is not one drop of principle in the whole vast reservoir of established scientific theory that has sprung from any other source than the power of the human mind to originate ideas that are true. But this power, for all it has accomplished, is so feeble that as ideas flow from their springs in the soul, the truths are almost drowned in the flow of false notions; and that which experience does is gradually, by a sort of fractionation, to precipitate and filter off the false ideas, eliminating them and letting the truth pour on in its mighty current.”9

La formation et le développement d’une compétence pédagogique vraie ne peuvent se fonder scientifiquement que sur la connaissance et la compréhension, donc l’expérience vécue et analysée de la nature du savoir, du sens, et des processus logiques de leur élaboration.

La fonction de l’expérience : trier les idées vraies des idées fausses. Évaluation ou bilan ?

Mais comment l’expérience de la création opère-t-elle ce tri ? Est-ce son but ? Beaucoup d’artistes seraient sans doute étonnés de voir attribuer à leur art une telle fonction. Pourtant, la métaphore du filtre, telle qu’elle est interprétée ici par Peirce, nous indique la piste que nous allons tenter de suivre car elle convient particulièrement bien au renversement que les pratiques de création apportent à la pédagogie, avec l’idée du “filter off“, confirmée par le “eliminate” qui suit. Le traitement par l’expérience des idées vraies et des idées fausses est d’abord un encouragement à la prolifération des idées. Ensuite, un report de l’intellectualisation de la critique. Le traitement des idées vraies et des idées fausses n’est pas symétrique. Les idées fausses sont retenues et rejetées non par la conscience mais par le filtre de l’action, par le corps, par l’expérience de l’assertion responsable.ii Ainsi les idées vraies poursuivent leur cours en se renforçant. Le souci du pragmatisme est de fonder la vérité d’une idée sur la réalité de ses effets. Ce n’est donc pas la reconnaissance des idées fausses, ou des erreurs, qui nous enseigne la vérité, mais la reconnaissance des idées vraies qui avaient émergé parmi les autres, quand elles ont été filtrées par ce que nous appellerons ici le principe de réalité. J’ai développé ailleurs, à propos de l’outil, fort utile en lecture, du surligneur, le concept de “lecture au positif”10. La lecture au positif de l’expérience est un concept pédagogique qui transforme en intervention stratégique ce que le texte peircien analyse comme étant la logique intrinsèque de tout apprentissage produit par l’expérience ordinaire.

“Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Qu’est-ce que j’ai découvert ? Qu’est-ce que j’ai compris ? Qu’est-ce que je n’ai pas fait ?” Ces questions sont celles du bilan que je propose dès que les représentations de la classe sur le travail scolaire se mettent à faire crise. Le “je” est très important. Il aide à orienter la réflexion personnelle sur les objets réellement poursuivis par chacun tout au long des différentes séquences de travail. Si l’on n’y prend garde, c’est le “on” ou le “nous” qui a les faveurs de la plupart, conduisant à une énumération de consignes à peine reformulées, à travers laquelle les élèves s’efforcent seulement de montrer qu’ils ont été attentifs, qu’ils ont suivi le programme qui leur a été donné à suivre, qu’ils ont bien tenu leur cahier, bien pris leurs notes. L’analyse ne devient possible que lorsqu’ils comprennent que ce qui leur est demandé est d’expliciter pour eux-mêmes quelque chose qui est invisible pour les autres, et qu’il ne s’agit pas là de contrôle de leur participation, ni même d’évaluation du travail fait, mais d’une nouvelle mission de recherche. Si l’objet du questionnaire est rétrospectif, son but est prospectif. Certains sont alors entraînés dans une véritable auto-analyse qui peut leur faire noircir des dizaines de pages. La plupart se contentent de quelques-unes, mais ce qui ressort de l’ensemble est un chantier de controverse sur la nature de l’apprentissage, les conditions de l’apprendre, et tous les autres sujets qui peuvent faire d’eux des autodidactes conscients.

Là où l’évaluation scolaire évalue des formes, le bilan interprète des actes et leurs effets. L’évaluation calcule le degré de normalité, l’acceptabilité sociale, d’une production. Elle incite la personne singulière à acquérir de la généralité, à s’inscrire dans un système de formes à valeur générale, au risque de s’y enfermer. La finalité du bilan est au-delà. Il cherche à faire émerger, dans l’énoncé contradictoire des représentations différentes de la norme, un conflit intérieur de regards, qui renseigne la personne sur elle-même et sur ses hypothèses de travail. La norme du cours de langue est à la fois linguistique et sociale, la seconde prenant bien souvent le pas sur la première. La pratique du bilan a pour premier effet de débusquer cette énorme contradiction à laquelle se heurte l’enseignement scolaire des langues : la logique de l’enseignement scolaire est celle de l’Établissement (la tiercéité dégénérée qui sert à la conservation des symboles et à la production de leurs répliques), celle de la langue étrangère est celle d’une Institution vivante, qui dégénère et meurt quand elle se coupe en morceaux.

La visée réelle qui fonde un apprentissage normatif réussi est fondamentalement qualitative, esthétique, égocentrique. Elle concerne le pôle narcissique de la construction du sujet. Elle est secondairement éthique, pratique, polémique, quantitative, conceptuelle. La combinaison des deux donne la nature symbolique de la visée logique. Un enfant n’apprend pas une langue étrangère pour se débrouiller dans la rue, pas plus qu’il n’a appris à marcher pour attraper un objet. Il le fait pour grandir, pour devenir un Homme, pour devenir une Femme, pour accroître sa propre dimension symbolique. Un savoir symbolique ne peut pas être opératoire s’il s’installe sur le meurtre ou la négation des compétences et des conceptions existantes. Il barre alors la route à la formation des concepts, non seulement par manque de référence à la catégorie de l’action (de l’acte à la pensée) mais par manque de référence à la catégorie de l’existence.

Le modèle n’est pas une vérité révélée. C’est le produit d’une œuvre de modélisation, accomplie par quelqu’un, un jour, quelque part.

Or, la capacité de modélisation est inscrite dans l’espèce humaine et en chacun de ses représentants par le langage (c’est ce qui fonde le « tous capables »). Toute personne est capable de modéliser à condition d’être dans le langage, à titre individuel et à titre collectif, en même temps. Cette condition logique nécessaire à une activité modélisante se décline en trois conditions indissociables dans une classe de langue.

  1. Que la spontanéité de chacun soit sollicitée et que son langage, soit considéré, avec celui du groupe, comme la matière première vague, contradictoire, qu’il a à transformer. Les représentations initiales n’ont pas à être éradiquées mais mises en oeuvre, assertées, inscrites, conscientisées dans l’action et dans la rencontre du non-ego.; les mettre en œuvre, les offrir à soi et au groupe comme matériau et outil de travail.
  2. Que la rencontre avec le symbolique soit programmée pour créer la surprise et mobiliser les ressources du langage. Tout est objet d’expérience. Il faut travailler la rencontre avec les textes, les discours, et même les métalangages, qui sont encore du langage, comme des expériences de langage, en pariant sur la surprise authentique, le doute authentique, et la régulation par la pensée et par l’échange collectif dans le groupe, qui seuls permettent un savoir asserté et assertable, un savoir de conviction.
  3. Que le collectif soit présent à l’esprit de chacun et dans la vie de la classe, comme fiction structurante, et comme fonction instituée dans des pratiques.

C’est la conformité avec cette logique de la pensée qui explique la réussite un peu taboue -magique ?- de certaines pratiques d’éducation nouvelle connues et méconnues sous le nom de démarches d’auto-socio-construction, et l’échec de ce qui s’en inspire sur le mode de la reproduction, sans une intime compréhension de sa philosophie : une phénoménologie, une esthétique, une éthique, une logique, et le refus de toute métaphysique a priori. Est une croyance métaphysique, par exemple, l’interdit jeté sur la parole authentique, celle qui déforme, celle qui crée, par l’enseignement de la “langue” telle que Saussure l’avait découpée pour les linguistes, une langue séparée de la parole par choix stratégique, et qui en est l’abstraction, non le fondement.

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1 Elle a été utilisée à plusieurs reprises dans des formations du GFEN (Groupe Français d’Éducation Nouvelle) et publiée dans ses ouvrages.

2“Et il se mit à faire une fleur rouge avec une tige verte.”

3“Et il se mit à faire des fleurs rouges et orange et bleues/ Il aimait sa nouvelle école/ Même si elle n’avait pas d’entrée directe depuis l’extérieur.”

4Jean Petit, 2001, L’immersion, une révolution, Jérôme Do Betzinger, Colmar.

5 Au sens où l’on parle d’une Assemblée Générale extraordinaire, c’est-à-dire en-dehors de la routine et du rythme ordinaires.

6 Peirce, 1997. Lecture four, « The Seven Systems of Metaphysics », « The Reality of Secondness », p. 202.

7 Une sémiose est le processus interprétant que déclenche chez un sujet l’expérience d’un signe. Le langage n’est que sémioses. Les signes n’existent, dit Peirce, que d’être interprétés. C’est le repérage et l’analyse des sémioses, ou processus sémiotiques, qui fait l’objet de la sémiotique et lui a donné son nom.

8 pour une introduction à cette critique, voir GFEN (juin 2004) : L’éducation nouvelle est-elle populaire ?Dialogue n°112-113 Voir aussi Terrail (2003). L’école en France.

9 Peirce (1893-1913). On phenomenology. The Essential Peirce, vol.2, p.153-154. “Loin de moi l’idée d’énoncer une doctrine de la tabula rasa. Car, comme je le disais il y a quelques minutes, il n’y a manifestement pas une goutte de principe dans le vaste réservoir de la théorie scientifique établie qui ait jailli d’une autre source que du pouvoir qu’a l’esprit humain de donner naissance à des idées vraies. Mais ce pouvoir, malgré tout ce qu’il a accompli, est si faible que tandis que les idées s’écoulent depuis leur source dans l’âme, les vérités sont presque noyées dans le flot des notions fausses ; et ce que fait l’expérience, c’est de précipiter et de filtrer en les rejetant les idées fausses, graduellement, par une sorte de fractionnement, de les éliminer et de laisser passer la vérité dans son courant puissant.” C’est nous qui soulignons.

10 Cordesse, 2001. Voir aussi Cordesse, 2006, p. 235.

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