Langues anciennes pour l’an 2000


Langues anciennes pour l’an 2000

Pierre Sadoulet

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Les études classiques apparaissent explicitement dans le discours institutionnel comme le type même de l’apprentissage élitiste et matraquant où la norme est reine : “solécisme ; contre—sens ; ils ne savent rien ; classe agréable; au moins avec eux on peut travailler; celui-là il est incapable de faire du latin ; nul ; ils ne travaillent pas ; etc.”
Mais, par ailleurs, au cours de deux stages du PAF, je rencontre deux collègues de Lettres Classiques : la recherche, ils connaissent et ils s’avèrent dans les deux cas des alliés idéologiques importants. Est-ce que les Lettres Classiques, ça ne donnerait pas le sens de la recherche ? De plus, il y a une sacrée formation à prendre un contact linguistique, le seul vraiment concret, avec une culture autre, historiquement très ancienne, à la fois différente et semblable. Quelle sacrée formation à prendre la mesure de l‘évolution de sa langue, pour observer ce qui évolue et ce qui reste … Quel intérêt à mesurer l‘évolution des mentalités avec le maintien des traditions et les ruptures !
Alors, oui !.., L’Éducation Nouvelle aussi en langues anciennes, pour un citoyen autogestionnaire qui acquiert, par elles, une compréhension historique tant de la réalité sociale que de sa langue. Mais il faut une rupture complète : refuser aux langues anciennes leur caractère élitiste, créer des mises en situation de réussite ; faire mettre en place des projets. . . (1)

Le sujet et la langue.

Faire des langues anciennes, c‘est d’abord produire du sens à partir des textes anciens. Or chaque fois que Moi-Je m’habille dans une langue autre pour produire du sens, c’est à la fois un habit derrière lequel JE me cache, et un moyen par lequel MON imaginaire s’investit librement selon ses désirs et sans trop les montrer! Le texte ançien est un masque autre derrière lequel JE peux faire chauffer en secret mes meilleurs fantasmes. Le principal fantasme est sans doute celui du retour aux sources. On peut se demander si le plaisir qu’ont les antiquisants ne correspond pas à une nostalgie fondamentale : le retour au paradis perdu, petit a (cf Lacan…) (le ventre maternel ?) derrière lequel JE cours à vie et à mort.
Pratiquer une langue ancienne, que ce soit sur le mode de la traduction, que ce soit sur le mode de la production, est source d’une fascination jubilatoire réelle: quand les élèves sont en recherche de production de sens, on le voit bien dans la fébrilité qu’ils montrent. Seulement cette production de sens en langue ancienne est aussi source de fortes angoisses. Trois raisons :

l] Très souvent il manque une compétence suffisante pour produire le sens. Celui-ci se bloque. Je ne comprends pas et je ne sais pas si je vais arriver à construire un sens.
2] Par ailleurs, mon incompétence me conduit à un sentiment d’échec : ma production de sens était fautive. Il y a le prof qui définit une norme et refuse de prendre en compte mes trouvailles : “contre—sens!” dit-il.
3] De plus, il y a la norme grammaticale : il faut une traduction en bon français ; faire des phrases en langue ancienne va entraîner une série de marques rouges: “Français! Barbarisme! Solécisme!”
Les découragements sont fréquents. Mais on peut les faire dépasser en grande partie par des dispositifs d’auto-socio-construction. De plus l’apprentissage suppose aussi que chacun apprenne à se servir des impasses et des erreurs comme de tremplins pour se construire une compétence. Quelles ruptures?

D’abord ma première rupture a consisté à

1/ abandonner la progression pas à pas du manuel (en sautant des chapitres, en finissant par ne plus l’utiliser que comme recueil de textes).
Car s’il faut bien une certaine progressivité (et fixer ce qui est censé être connu à un moment X et ce qui ne l’est pas), il est utile :
– de faire entrer tout de suite les élèves dans la complexité, pour qu’ils se construisent une pratique des structures au lieu qu‘on les leur explique.
– Créer systématiquement la réussite pour tous par des dispositifs d’auto-socio-construction du savoir langagier.
2/ Pratique du travail en groupe à des niveaux divers, après un moment de recherche individuelle.
3/ Diversifier les dispositifs selon les travaux: par deux on travaille mieux dans des productions de sens diverses (car chacun est obligé de s‘investir un minimum; des groupes plus étoffés laissent travailler un ou deux leaders. les autres laissant faire). Si le travail est plus complexe, des groupes plus grands (4 à 6) surtout en recherche grammaticale (2).
4/ pratique d’ateliers d’écriture pour s’approprier et les “structures et les façons de penser et les mythes anciens.
5/ D’abord la pratique ensuite l’explicitation grammaticale : en-dehors de l’emploi des cas, peu de grammaire en 4ème avant le mois de janvier (et encore c’est un compromis à l’égard du programme). En particulier, si l’on pense qu’il est nécessaire de faire mémoriser des paradigmes de déclinaison, ce dont je voudrais être sûr. reporter ce travail assez tard. Un tableau de terminaisons permet de travailler très tôt avec tout le vocabulaire même si la déclinaison n’a pas été vue (au moins en
latin ; en grec je donne moi-même les formes casuelles à la demande).
6/ La grammaire explicite conçue comme l’objet d’une formulation commune. Sa construction doit être postérieure à la pratique des structures, et elle doit être le résultat d’un réglage collectif. C’est le groupe-classe, et non le professeur, qui doit constater les régularités et définir la formulation des règles.

Créer des réussites cela suppose:
7/ un contrôle des connaissances non piégeant qui permette à l’élève de mesurer ce qu’il sait et n‘essaie pas de piéger ses ignorances (paradoxalement cela suppose des contrôles de connaissances longs qui peuvent être faits en plusieurs étapes. avec une seule évaluation au bout).
8/ Ajouter à la formation linguistique, une recherche méthodologique. Faire se construire aux élèves des stratégies, des procédures explicites de recherche à employer quand le sens n’est pas évident, quand ça bloque. Un essai qui a un peu raté (voir ci—dessous), mais sur lequel réfléchir encore : une démarche “Quoi qui coince” pou construire les moyens de ne pas rester bloqué.
9/ Toujours privilégier la relation du sujet à la langue en partant de dispositifs qui appellent toujours son imagination et son plaisir de manipuler la langue. Un vieux principe : éviter toute routine !

La recherche tous les jours

Il est des ruptures immédiates pour faire concevoir la lecture en classe d’un texte ancien non comme une activité de correction docile, mais comme un moment de débat et de recherche où la contradiction doit jouer son rôle. Dans le cours traditionnel l’essentiel de l‘heure se passe à une morne “activité” de lecture cursive-
corrigé où chaque phrase est traitée en trois étapes :
l. L’élève interrogé lit la phrase.
2. Il la traduit après avoir pris les groupes latins (ou grecs) dans l’ordre de la traduction française.
3. Puis le professeur dicte un corrigé.
Ces trois étapes ont leur utilité :
l. La lecture des phrases est destinée d‘abord à l’élève qui écoute : il doit, grâce à cette lecture, se reconstruire le sens précis de la phrase. Mais il y a peu de débutants qui en tirent ce profit, faute de la compétence nécessaire. Le seul à en profiter un peu est l’élève qui oralise. Il s’entraîne à un déchiffrage précis très important pour acquérir de bonnes prises d’indices (si les terminaisons sont mal identifiées, elles ne pourront permettre une identification correcte des
indices fonctionnels).
2. Si l‘on veut se construire une prise d’indices complète et vérifier le sens trouvé, il faut mettre en relation le français et le latin de façon littérale.
3. Il existe un “frantin” (3) de traduction (français pour traduire le latin, même si la règle institutionnelle veut qu’on le cache au maximum. La meilleure façon de le faire pratiquer par les élèves c’est, par les corrigés, d‘en produire un spécimen. Si on ne le fait pas, on laissera l’accès à la traduction aux quelques privilégiés qui dominent, du fait de leur culture propre, ce type de français.
Même envisagées ainsi, il est évident que ces trois activités docilisent, car la parole professorale reste toute puissante pour décider du réglage et des normes. Pour mettre les élèves vraiment en recherche, il suffit cependant d’ajouter une étape 1bis, qui induise l’activité de recherche en prenant en compte une grande partie des hypothèses avancées par les élèves qui sont censés avoir préparé individuellement la lecture. Après avoir lu la phrase, l’élève interrogé (le plus souvent un volontaire, parfois celui qui croit ne pas avoir compris) lit sa traduction et la classe discute d’abord à partir des variantes de traduction. Le prof doit être très vigilant (car pour lui la plupart des phrases lues en classe sont évidentes), il doit laisser s’établir le débat, encourager les élèves à apporter leurs arguments, et autant que possible éviter de trancher ; ce sera le mot à mot qui fera décider la classe en dernier ressort. Le prof (ou un élève dont la traduction aura été approuvée)
dictera la traduction en frantin (3) correct. Bien sûr, le texte pourra être relu, à l’occasion, sous la forme rapide d’une traduction retrouvée directement, sans notes, à partir du texte ancien. C’est sûr, cette méthode prend plus de temps, et il vaut mieux éviter de la pratiquer pour toutes les phrases. Mais son emploi rend le travail
beaucoup plus dynamique.
Il y a peut-être à mettre en place d’autres ruptures, car il reste difficile d‘éviter le comportement normateur du prof et l’attitude docile des élèves. Il faut gagner chez eux l‘exigence du débat, en faire des indociles qui refusent de “gober” sans interrogation ni esprit critique.

La fiche d’étude

Un corpus de ‘phrases, du vocabulaire, un exercice structural, des phrases à inventer ou à traduire en langue ancienne. Voilà ce qui figure dans ce type de fiche (Cf. exemple ci—joint).
Usage
Il doit être clair que l’objectif est de s’approprier des structures si possible déjà rencontrées auparavant. J’ai normalement utilisé la fiche sur une heure à deux heures de cours, mais il faut alors aller très vite. On peut commencer indifféremment par la recherche ou l’exercice structural.
1. L’exercice structural :
Cet exercice doit être mené oralement et de façon collective, avec une attention forte de chacun : au départ on donne deux ou trois exemples que l’on fait répéter pour permettre aux élèves de se construire une hypothèse ; il faut qu‘ils aient compris intuitivement en quoi consiste la manipulation. Ensuite le prof donne les premières phrases et chaque élève doit chercher une réponse. On fait parler un élève au hasard, pour le vérifier. Une fois les dix phrases faites, on peut recommencer s’ il reste du temps et si la concentration est suffisante. Car il y a intérêt à ce que tous les élèves réussissent.
Faire l’exercice structural par écrit, ou sans prendre le temps de faire chercher tout le monde c’est perdre du temps. L’objectif est que chacun découvre la structure et se l‘approprie. Pour cela il doit avoir trouvé une solution pour chacune des phrases. La rupture est là par rapport à certaines pratiques de l’exercice structural (ci. méthode SCODEL).
Directions de recherche : d’autres jeux plus spontanés, moins directement mécaniques : questions —réponses, jeu de rôles peuvent arriver au même résultat.
2. La recherche a pour objectif de faire observer les constructions et de faire créer une formulation collective. Expliquer, ça empêche de comprendre parce que ça dispense de chercher. Alors se taire et faire débattre mais quand l’impasse est bien réelle, alors savoir casser les fausses pistes et donner les moyens de construire une formulation efficace. Ne pas laisser s‘allonger les débats. Car il y a le problème du temps. Ce dispositif est fait pour aller vite. 1/4 d‘heure, c’est juste pour la
recherche si les choses sont un peu complexes, ou alors c’est qu‘il n’y a pas de débat ni de questionnement vrai donc de possibilité de construction d’un savoir réellement réinvestissable, mais une période plus longue risque d’enlever le temps de faire, à la suite, l‘exercice de réinvestissement. Bien doser le temps (il faut toujours une pression, que les élèves se sentent “à la bourre”).
3- L’exercice de réinvestissement, fabrication de phrases ou exercice de thème (si l‘on tient pour nécessaire de former les élèves au thème), se fait par deux avec l‘aide du prof qui va aider ceux qui ont l’impression qu’ils ne comprennent pas. Il faut apprendre à délaisser les bons qui cherchent toujours à vous monopoliser, pour aller voir les moins actifs, qui risquent d‘avoir laissé passer les choses. Mais il faut un temps limité (10-15 mn) pour que le travail démarre vite et que l’on ait produit avant la fin (généralement celle de l’heure marquée par la sonnerie). Un contrat est toujours posé, au moment de la consigne (3-4 phrases), réduit si nécessaire. (Une note de 15 récompensait la réussite du contrat ; opératoire, mais toujours cette sacrée note et l’aliénation qu‘elle induit!) .
Une première évaluation :
J’ai dû inventer ces, dispositifs pour traiter en une heure ou deux des points de grammaire qu il fallait absolument avoir vus avant la fin de l’année pour que les élèves aient un niveau minimum de connaissances pour la troisième. Les élèves, inquiets, avaient demandé cette formation. Au vu d‘un contrôle de connaissances grammaticales, il semble qu’ils ont permis à une très grande partie des élèves de se construire le savoir projeté, mais je suis parfois allé très vite (trop!), il faut
sans doute savoir passer plus de temps sur la recherche, en prévoyant un contenu moins ambitieux (pourquoi pas trois heures sur le comparatif et le superlatif ?).

Quelques essais d’ateliers d’écriture en langues anciennes

Je n’ai- pour le moment, que l’expérience de quelques tentatives mais je n’avais pas une attente assez sûre pour mettre en place des ateliers moins scolaires et peut-être plus stimulants.

En premier lieu des moments d’écriture de phrases libres par deux. Je donne le vocabulaire à la demande (avec l‘aide d‘un dictionnaire de thème ; le vocabulaire est noté autant que possible au tableau pour que tous les élèves puissent s’en servir). Dans ce travail de vocabulaire, j‘essaie bien sûr de proposer le moyen qui me semble le plus idiomatique pour résoudre le problème des élèves (c’est pourquoi je ne les laisse pas chercher eux—mêmes dans le dictionnaire; mais ils ont le
lexique francais-latin du livre). Je ramasse toujours les productions et je corrige systématiquement les phrases, avec une analyse des erreurs qui renvoie aux règles déjà vues et écrites en fin de cahier.

Lors d‘une autre séance, dix minutes de travail en groupe classe pour analyser une phrase d’élève intéressante en tant que production de sens mais particulièrement mal construite. Éventuellement formulation de nouvelles règles.
Quand les élèves étaient plus avancés, j‘ai mis en place (au cours du deuxième trimestre) des brouillons d’ateliers longs (sur 4—5 heures).

l. Atelier mythologie :

Je commence par raconter une légende «ex. Castor et Pollux» puis je distribue un résumé et une liste de mots latins choisis en prévision de leur utilité pour la démarche (noms propres, noms, verbes désignant les mots—clés de la légende).
2ème étape: travail individuel puis par deux : faire des phrases racontant tel ou tel événement de la légende sans chercher à faire un texte. Phrases ramassées et corrigées comme plus haut. Le choix des événements n‘est pas dû au seul hasard. L’imaginaire des élèves y joue son rôle.
3ème étape: Par groupes (3-4), à partir d’un polycopié qui réunit les phrases par épisode, choisir l’un d’eux et le raconter de façon aussi détaillée que possible. Certains groupes que cette histoire n’intéressait pas ont choisi un autre sujet libre.
Tout est corrigé systématiquement: l’objectif n‘est pas le réglage grammatical mais des productions de sens intéressantes.

II. Atelier Imitation

Selon un dispositif voisin, avec les mêmes étapes, production d’un texte à partir d’un texte de base. Il faut, pour éviter l’imitation immédiate, proposer une ou plusieurs consignes de transformation. (ex : à partir d’un texte de l0 lignes, “La guerre des enfants” in SCODEL 4ème, écrire un sketch qui raconte la même histoire, il faudra le jouer). Ce qui m’a frappé, c’est que les élèves s’engagent volontiers dans ce type d’activité, à condition qu‘on prenne le temps. Les productions sont parfois lentes à démarrer. Il ne faut pas y voir toujours l‘effet de la paresse. L’imagination a aussi besoin de temps de latence pour se construire les choses. Par contre, à un moment donné il faut fixer des délais, un temps limité pour activer les productions. Le prof donne le vocabulaire, toujours en veillant à s’occuper surtout des moins demandeurs.
Pour que les productions soient valables, il faut une sacrée pratique d’attente positive donc exigeante: tous capables de produire des sens intéressants en langues anciennes !

Manipuler du vocabulaire. La recherche de mots. Les contrats.

À la suite d’une rencontre à Montpellier avec Joëlle Cordesse, puis de ses articles de Dialangues et de Copillage, j’ai mis en place, en langues anciennes, pour le vocabulaire, un démarrage d’année du même type : d’abord faire apporter par les élèves des mots connus puis toutes les trouvailles qu’ils peuvent faire.

Voici le dispositif employé :

Individuel: Réunir un certain nombre de mots latins (ou grecs) en notant leur signification et leur présentation complète (temps primitif des verbes dès le début de l’année en particulier).
Petit groupe (4): Sur une feuille. dresser la liste des mots trouvés en éliminant les doubles : chacun doit présenter ses mots au groupe en dévoilant leur signification. Pour gagner du temps, on n‘écrit que la présentation des mots.
Groupe-classe: Le prof aura prévu 200 à 300 fiches bristol (eh oui, en se servant de livres et de dictionnaires, les élèves réunissent un très grand nombre de mots).
Mise en commun des mots sur le tableau. Deux secrétaires copient chacun des mots sur une fiche et les classant par ordre alphabétique pour éviter les doubles.
Souvent j’ai fait le travail moi-même à partir des fiches. De toute façon, à chaque fois, j’ai polycopié la liste en laissant un blanc pour le sens de chaque mot.
Séance suivante : Une liste polycopiée des mots est distribuée. Consigne : on essaie de leur donner un sens (sans le livre). D’abord individuel, puis par petits groupes, puis groupe-classe.
Deux solutions: – les mots dont les élèves ne retiennent pas la signification sont éliminés (s’ils n’ont pas été retenus par un élève, c’est qu’ils n’intéressent personne).
– Recherche individuelle des mots non retrouvés.

Plus tard: les contrats.

(Il s‘agit encore d’un dispositit inspiré par Joëlle Cordesse et largement pratiqué, je crois, dans le Secteur Langue(s) du Mouvement).
On annonce qu‘à un jour donné, on demandera d’écrire 15, 20, 30, 40, 50, 60, 70, 80, 90 mots.
Ceux qui auront réussi les contrats auront droit à la note maximum (par exemple 20/20), les autres n‘auront rien. Mais quand ils auront réussi, une fois suivante, ils auront leur note maximum.
L’exigence pour le contrat est très grande : ni faute d‘orthographe ni erreur de présentation des mots. Par contre, jusqu’ici, je ne demandais aucune signification.

L’Évaluation:

L’engagement des élèves est très fort dans la recherche même si certains bons élèves sont inquiets au départ. “A quoi ça sert? C’est trop facile” ou “On ne retiendra jamais tout”.
Les contrats sont souvent réussis et même largement dépassés par la majorité des élèves. Les quelques échecs sont le fait d’assez bons élèves (en classe hétérogène, ce seraient de bons élèves), très docilisés, qui ne travaillent que par peur de la mauvaise note. Ils ne s’investissent pas car la note maximum ainsi proposée ne leur semble avoir aucune valeur. Il y a même de grandes réussites : en deux ou trois séances certains élèves dépassent les cent mots.
Attention, cela demande du travail ! C’est long à corriger, en particulier.
Les élèves ne comprennent pas trop la finalité. Au départ il s’agit d’un lieu de réussite et d’acquisitions linguistiques “par imprégnation”. Les élèves s’habituent à manipuler et mémoriser un signifiant dont la structure phonologique et graphique est nouvelle. Jusqu’ici je ne demandais pas la signification des mots. Mais comme, dans une lecture-traduction, il est bon de connaître les mots en “laçais“, c‘est-à-dire en latin-français, je vais essayer cette année de demander une signification pour chaque mot. Je ne sais pas encore si j‘exigerai qu’elle soit exacte (mais ça vaudrait mieux pour éviter que l’élève ne mette n’importe quoi ou n’enregistre des idées fausses). En effet dans la pratique écrite du latin, ou du grec, nécessairement plus lente, il y a assez peu d’occasions de rencontrer les mots suffisamment souvent pour qu‘ils deviennent par eux-mêmes des outils de production de sens bien réglés. En langues anciennes, je ne pense pas qu’il soit plus efficace pour permettre une prise de pouvoir sur la langue de travailler autrement qu‘avec une connaissance des mots en liaison avec leurs équivalents français. Si l’on travaille en traduction, on doit en effet disposer de ces équivalences, pour faire les premières hypothèses.
Les contrats de phrases doivent exiger des phrases inventées. Avec l’idée qu’une imprégnation ne serait pas inutile, j’avais autorisé les élèves à préparer le contrat avec l’aide du livre. Mais cette pratique semble ne pas permettre une construction efficace d’un savoir réinvestissable. Car les élèves apprennent par coeur sans avoir une idée du sens.
J’ai eu des problèmes pour faire intervenir les résultats obtenus dans la moyenne trimestrielle (si on veut que celle—ci soit une évaluation fiable).
Cinq vingts successifs conduisent mathématiquement à une moyenne trimestrielle entre 18 et 20.
J’ai donc recouru à un barème en fonction du nombre de contrats réussis. Mais les élèves rouspètent et ils ont raison. Car c’est mépriser leurs réussites. Une solution? Compter les contrats réussis sans mettre 20 et établir une note “Contrats” à partir des réussites (par exemple: 10/20 à deux contrats). De plus j’ai pris aussi la pratique de moduler les exigences: le contrat réussi rapporte 15/20, le reste de la note dépendant de critères divers (Ex. dépassement du contrat, originalité des mots et des phrases. etc). (4) NOTES (1) Or là surtout. il y a une bataille d’idées difficile à mener. Car les élèves qui réussissent résistent à la déstabilisation créée par les dispositifs de mise en recherche que je leur ai proposés pour créer les ruptures nécessaires. Même si les élèves sont gagnés, certains parents continuent à mener bataille contre vous: leur choix des langues anciennes, c’était le choix des bonnes valeurs de droite, l‘effort, la discipline et la confirmation de la supériorité de leur cher petit. Et leur pression sert de prétexte à l’administration.

Car on ne gagne pas toujours. Après un an d’efforts et d‘invention pour réussir des avancées réelles avec un bilan positif (dans une classe de 4ème tous dans le coup, 20 élèves sur 24 avec un niveau très satisfaisant), le principal, contrairement à toutes les traditions de l’établissement, décide de ne pas me redonner les classes, ce qui fiche en l’air l’expérience. Les élèves, avec l‘oubli dû aux vacances, croient ne plus rien savoir, perdent confiance dans le travail fait et connaissent des échecs avec une collègue au travail très classique: c’est normal qu’ils ne soient pas au niveau, puisqu‘on n’a pas suivi le livre et qu‘on ne s’est pas ennuyé à apprendre.
Alors faut-il renoncer? Après tout, ces bons élèves peuvent apprendre de façon classique, et j’aurais moins d’ennuis. Mais il est évident, par ailleurs, que si l’enseignement des langues anciennes ne connaît plus toujours la crise de recrutement qu‘il a subie, par contre il connaît une crise pédagogique: le taux d’échec est plus important que jamais, la majorité des élèves abandonne en fin de troisième. On peut, par une pratique très exigeante, montrer que l’Éducation Nouvelle permet de relever le défi.
(2) Cette activité de groupe n’est pas sans occasionner une lutte idéologique contre tous les racismes sociaux, sexistes, et tous les individualismes (méfiance naturelle par rapport à l‘autre qui angoisse). Il faut, si l’on veut éviter les inégalités, créer une pratique systématique du brassage des groupes. Si les groupes restent toujours les mêmes, il y aura les bons et les mauvais.
Le travail de groupe est déstabilisant pour les bons élèves qui ont l’habitude de travailler seuls et dans le silence. Et cela se voit dans les productions car la vigilance n’est pas toujours au rendez— vous.
Pour stimuler l’activité et combattre les difficultés, je n’ai pour le moment rien trouvé (en dehors d’un débat coopératif systématique par lequel le groupe doit se construire ses règles) sinon un compromis qui me gêne: je note tous les travaux et ces résultats servent à définir une moyenne de travail distincte des évaluations de niveau. Trouver mieux (voir avec le système Freinet de l’argent —classe, avec salaire pour les travaux et amendes comme sanctions).
(3) On sera étonné de ce néologisme. Il faudra en ajouter un autre: j’appellerais “laçais” ce langage particulier qui consiste en des mots latins mis directement en relation avec des équivalents français. Ces termes correspondent pourtant aux réalités de la production des sens.
Chacune de ces “langues” est un outil très spécifique. Et elle pose des problèmes d’emploi aux élèves. Lors du mot à mot, en “laçais” donc, il n’est pas sûr que les élèves soient tous à même d’interpréter ces lexèmes ou groupes de mots à deux signifiants. [l leur manque souvent une hypothèse globale qui conditionne l’interprétation.
Le “frantin” pose aussi problème à certains élèves dans la mesure où la phrase française littéraire, assez proche de la phrase en “laçais” qui constitue le français de traduction latine, est mal connue de nombreux élèves. Je ne parle pas de toute une frange de vocabulaire dont le sens est très spécifique.
(4) Le plus simple serait de supprimer les notes: voir toutefois la révolution que ça créerait chez les classiques.
J’ai observé toutefois que tout changement d’évaluation arithmétique n’a pas l’air de modifier l’émulation des élèves: ils se prennent au jeu et tentent de dépasser tous les records.